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Une pointe de rêve s’inscrit dans la profondeur de ses yeux noirs, évoquant la chaleur d’un rayon de soleil sur le sable fin. Le vertige me prend lorsque je me penche au bord de ses cils, singulière ouverte vers l’âme et refuge des larmes du poète. L’ébauche se fait entrevoir au coin de ses lèvres, révélant la nacre de ses dents blanches.  Leur alignement est digne d’une rangée de petits soldats, parés à autant de gourmandise que de luxure. De bout des doigts, j’effleure le pli d’une fossette et m’engage dans l’univers accueillant de l’amour.

Désormais, une fine corde fait le tour de mon cou, sans me restreindre dans mes mouvements, comme si je portais un fin foulard de soie. Je joue à entortiller la corde au bout de mon doigt, et je regarde mon index devenir rouge sous la pression de la corde. Je ne pense pas à ôter cette corde de mon cou, car elle ne me gêne pas, et bientôt je n’y prête plus aucune attention. Je me glisse dans mes draps frais et m’endors avec un sourire sur mes lèvres. Le lendemain matin, j’ai l’impression que ma tête va exploser et que je prépare une angine. Mon nez est bouché, et longtemps je reste couchée, attendant de reprendre ma respiration. Mes membres sont engourdis. Ma poitrine se cabre de spasmes violents. Je m’accroche à mes draps, les griffant pour faire passer la douleur et c’est là que je comprends. Ma main touche quelque chose de froid, de dur, comme du métal. J’esssaie de relever la tête pour regarder de quoi il s’agit… mais je ne peux pas, quelque chose me retient. La corde a resseré son étreinte et s’est transformée en chaîne. Elle me retient prisonnière  et enchaînée sur ce lit qui n’est pas le mien, à côté d’un inconnu qui me regarde souffrir avec un sourire de bien-être. « Tu as bien dormi? »


Chanson d'amour

Photographe américain (Miami) d’origine turque (Istanbul).

Avant de devenir le photographe expressioniste que j’admire, Akif Hakan Celebi a travaillé sur plusieurs réseaux télévisés américains en tant que directeur, rédacteur en chef, producteur ou encore cameraman. Très actif dans le domaine de l’art et des médias, il s’est converti depuis deux ans dans la photographie, non sans garder un lien proche avec sa précédente carrière.

Istanbul, not Constantinople

De projets personnels en commandes, Akif Hakan Celebi nous transporte dans un monde aux couleurs juteuses dans lequel les femmes sont sensuelles, mystérieuses, originales.

Projet personnel

Son but est « d’élargir, d’aller au-delà des limites de l’expression photographique« . À travers ses images, on voyage, on rêve, on accède à une dimension extrême de la réalité…

Eve Magazine 2008

Site

Deviantart


Slumdog Millionaire

Slumdog Millionaire

Le film de Danny Boyle est le grand vainqueur des Golden Globe 2009, remportant les récompenses de meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scenario, meilleure musique originale. Une récompense à la hauteur de ce film grandiose : il jongle avec nos émotions sans pitié. Quand une réplique fait rire le public, l’instant d’après une scène le fait pleurer. L’envie de courir avec les acteurs nous prend au cou, le suspens nous agace, on s’agite sur notre siège. Pourtant, par respect, on les laisse prendre leur temps. On tombe amoureux des acteurs, on voudrait tuer les autres, sauver les enfants. On se laisse prendre au jeu de « Qui veut gagner des millions » transposé en Inde et l’on se glisse dans les coulisses d’une vie difficile. Très vite, le jeune « chien des bidonvilles » remporte la somme colossale de 10 millions de roupies, ce qui n’est pas du goût de tous les personnages. Comment un orphelin, qui a vécu dans les ordures et la misère, aurait pu connaître les réponses ? Autant conte de fée dramatique que réalité saisissante de la vie dans les bidonvilles dans l’Inde d’aujourd’hui.

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Slumdog Millionaire

« Vous l’aurez compris, si SLUMDOG MILLIONAIRE frôle le chef-d’œuvre, ce n’est pas tant à cause de ses menu défauts, que grâce au potentiel émotionnel d’un scénario parfaitement mis en scène par un Danny Boyle qui a définitivement tout compris quant au rapport émotionnel qu’entretient le spectateur envers le cinéma. Et après l’ultra-sensoriel SUNSHINE ou l’éreintant 28 JOURS PLUS TARD, c’est bien l’ultime confirmation d’un cinéaste qui touche au sublime. » (Source)

Si le film fait l’unanimité en Occident, il n’a pas gagné les voix de l’Inde. Une association caritative indienne estime que ce film viole les droits de l’homme (…) et la dignité des pauvres. Le titre « Slumdog » (chien des bidonvilles) porterait lui aussi atteinte à la dignité des pauvres en Inde. Des manifestations ont eu lieues pendant lesquelles des habitants des quartiers pauvres de Mumbai brandissaient des banderolles « Je ne suis pas un chien » ou « Pauvreté à vendre ». Le scénariste s’est confondu en excuses publics, signalant que le titre n’était qu’un mot inventé, destiné à résumer une situation. Cependant, si certains indiens se voyaient fiers d’avoir décrochés quatre Golden Globes, d’autres « déplorent que le succès aille à un film qui met l’accent sur la pauvreté du pays et en donne une image qu’ils estiment trop négative. » (Source)

Mais les bons films ne sont-ils pas ceux qui réussissent à faire parler d’eux, suscitant une controverse violente ?

Jamal Malik (Dev Patel) et Salim (Madhur Mittal)

Jamal Malik (Dev Patel) et Salim (Madhur Mittal)

Synopsis : « Jamal Malik, 18 ans, orphelin vivant dans les taudis de Mumbai, est sur le point de remporter la somme colossale de 20 millions de roupies lors de la version indienne de l’émission Qui veut gagner des millions ? Il n’est plus qu’à une question de la victoire lorsque la police l’arrête sur un soupçon de tricherie. Sommé de justifier ses bonnes réponses, Jamal explique d’où lui viennent ses connaissances et raconte sa vie dans la rue, ses histoires de famille et même celle de cette fille dont il est tombé amoureux et qu’il a perdue. Mais comment ce jeune homme est-il parvenu en finale d’une émission de télévision ? La réponse ne fait pas partie du jeu, mais elle est passionnante. » Source


L’erreur.

18Jan09
Goodbye Sadie, by Eliara

Goodbye Sadie, by Eliara

Sur sa peau de légères gouttes perlent le long de son cou pour échouer dans son décolleté. Elle allume une cigarette et s’allonge sur le tapis persan, me berçant de son regard suave bordés de longs cils noirs. Ses cendres tombent par terre, mais elle n’a aucun remord. A la vue de ses cheveux qui balaient le sol et de sa cambrure, je n’ai de cesse de penser que rien n’est plus beau que ce moment-là : une femme sauvage et indomptable vient d’atterir dans le coeur de l’homme le plus misérable. Je sens les pulsions du bonheur derrière ma cage thoracique, irritant mes sens et abreuvant mon désir. La chaleur des braises qui se consumment dans la cheminée n’est en rien comparable à celle du feu qui brûle mon corps tout entier. Il pleut dehors, mais rien n’éteindra ces flammes… rien ne me fera oublier l’instant brûlant qui a satisfait tous mes désirs : en une nuit, j’ai oublié ces heures à attendre mon tour dans la salle de bain, le matin ; j’ai oublié comment s’appelait mon patron, tyrannique, qu’à présent je serais capable de remercier ; j’ai oublié que j’étais un père et un mari ; j’ai oublié ces longues heures d’attente chez le dentiste ; j’ai oublié l’odeur du métro et celle des toilettes de l’entreprise…

Sur le chemin du retour, la pluie ne m’atteint pas. Elle martèle les pavés avec violence dans un bruit sourd. L’eau s’échappe des trottoirs par les bouches d’égoût : si seulement les souvenirs pouvaient s’évacuer si facilement. Les souvenirs tombent comme des briques sur le pavé de notre coeur, alourdissant le quotidien d’espoirs déchus et d’amertumes singulières. Cette tigresse s’est installée différemment en moi :  elle a choisi de détruire la forteresse solide de mes souvenirs, en griffant l’intérieur de mon ventre suffisamment érinté et fragile. Ma respiration était entrecoupé de cris de jouissance, comme si le bonheur sortait de partout. Au lieu d’un gouffre infinissable au sein de mon esprit, l’infini lui-même avait planté ses étoiles dans mon espace.

J’arrive à la maison, essouflé. Je suis le nouveau jouet de l’amour, accroché à un wagon des montagnes russes, qui ne veut pas s’arrêter : haut, bas, gauche, droite, looping et crash-boom-cling. J’ai oublié mes clés. Je suis devenu un étranger au sein de ma propre vie, j’ai laissé la dépouille de mon corps sous les décombres de la muraille de mes souvenirs. Comme les étrangers, je sonne à ma propre porte, derrière laquelle résonne une musique légère et douce. Une blonde au visage inquiet, au regard de l’individu trempé, se laisse aller à un soulagement sans retenue. Quelques larmes glissent le long de sa joue glacée et elle me prend dans ses bras. J’ai eu très peur, dit-elle, où étais-tu passé? Mon silence fut une réponse efficace, elle me fit entrer dans notre maison surchauffée. Que répondre? Où étais-je vraiment passé? « J’étais perdu mon amour… »

Love is dead, by Multicurious

Love is dead, by Multicurious


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Je sors de ce vestiaire, tenant le bras à mes habituelles copines, riant fort aux blagues stupides. Quelqu’un me retient par le bras avec insistance, je sais ce qui m’attend. Il me tient avec une force que je ne peux pas vaincre, et me pousse contre ce mur, tentant de m’embrasser avec son joli sourire. Son regard embrase mon corps d’une flamme qui s’immisce dans mes veines et alimente mon coeur. Je lui crie de me laisser m’en aller, mais je pense le contraire. Retiens-moi. Mais lui n’entend que ce que je dis, et après une dernière tentative, me laisse partir avec un semblant de tristesse. Mes pas résonnent dans ce couloir, aussi fort que mon coeur dans ma tête. Loin de lui encore si longtemps après, son image me reste mais son parfum, qui m’a tant hanté auparavant, a disparu. Ainsi, c’est donc de fantômes que ma vie est rythmée… regret, amertume, déception, mélancolie, nostalgie. Alors que je leur crie de s’en aller avec violence, je pense le contraire. Revenez.




Lucile Dizier Line

Faute de ne pouvoir capter les odeurs, les sons, je m'efforce tant bien que mal d'inspirer des émotions.