L’erreur.

18Jan09
Goodbye Sadie, by Eliara

Goodbye Sadie, by Eliara

Sur sa peau de légères gouttes perlent le long de son cou pour échouer dans son décolleté. Elle allume une cigarette et s’allonge sur le tapis persan, me berçant de son regard suave bordés de longs cils noirs. Ses cendres tombent par terre, mais elle n’a aucun remord. A la vue de ses cheveux qui balaient le sol et de sa cambrure, je n’ai de cesse de penser que rien n’est plus beau que ce moment-là : une femme sauvage et indomptable vient d’atterir dans le coeur de l’homme le plus misérable. Je sens les pulsions du bonheur derrière ma cage thoracique, irritant mes sens et abreuvant mon désir. La chaleur des braises qui se consumment dans la cheminée n’est en rien comparable à celle du feu qui brûle mon corps tout entier. Il pleut dehors, mais rien n’éteindra ces flammes… rien ne me fera oublier l’instant brûlant qui a satisfait tous mes désirs : en une nuit, j’ai oublié ces heures à attendre mon tour dans la salle de bain, le matin ; j’ai oublié comment s’appelait mon patron, tyrannique, qu’à présent je serais capable de remercier ; j’ai oublié que j’étais un père et un mari ; j’ai oublié ces longues heures d’attente chez le dentiste ; j’ai oublié l’odeur du métro et celle des toilettes de l’entreprise…

Sur le chemin du retour, la pluie ne m’atteint pas. Elle martèle les pavés avec violence dans un bruit sourd. L’eau s’échappe des trottoirs par les bouches d’égoût : si seulement les souvenirs pouvaient s’évacuer si facilement. Les souvenirs tombent comme des briques sur le pavé de notre coeur, alourdissant le quotidien d’espoirs déchus et d’amertumes singulières. Cette tigresse s’est installée différemment en moi :  elle a choisi de détruire la forteresse solide de mes souvenirs, en griffant l’intérieur de mon ventre suffisamment érinté et fragile. Ma respiration était entrecoupé de cris de jouissance, comme si le bonheur sortait de partout. Au lieu d’un gouffre infinissable au sein de mon esprit, l’infini lui-même avait planté ses étoiles dans mon espace.

J’arrive à la maison, essouflé. Je suis le nouveau jouet de l’amour, accroché à un wagon des montagnes russes, qui ne veut pas s’arrêter : haut, bas, gauche, droite, looping et crash-boom-cling. J’ai oublié mes clés. Je suis devenu un étranger au sein de ma propre vie, j’ai laissé la dépouille de mon corps sous les décombres de la muraille de mes souvenirs. Comme les étrangers, je sonne à ma propre porte, derrière laquelle résonne une musique légère et douce. Une blonde au visage inquiet, au regard de l’individu trempé, se laisse aller à un soulagement sans retenue. Quelques larmes glissent le long de sa joue glacée et elle me prend dans ses bras. J’ai eu très peur, dit-elle, où étais-tu passé? Mon silence fut une réponse efficace, elle me fit entrer dans notre maison surchauffée. Que répondre? Où étais-je vraiment passé? « J’étais perdu mon amour… »

Love is dead, by Multicurious

Love is dead, by Multicurious



5 Responses to “L’erreur.”

  1. je passe en coup de vent mais je reviens t’aider en fin d’après-midi si tu le souhaites ;)

  2. comment veux tu que ta fin soit ? Tu veux une chute ? tout dépend de la tournure que tu souhaites donner à ton texte … son ton …

  3. Dans ce cas-là, par rapport à ton commentaire, je te suggérerais de rester sur la dynamique de la fin de ton texte.
    Tu continues à faire l’énumération de choses qu’il a oubliées, comme pour démontrer que ce qu’il ressent lui fait perdre les pédales, lui provoque des sortes d’amnésie sentimentales …
    Et petit à petit tu te rapproches de l’oubli ultime : celui d’avoir une femme qui l’attendait chez lui ;)

  4. Tu peux garder l’idée sans garder le style. Evidemment que rester dans l’énumération bête et méchante va lasser (surtout si elle s’éternise …)
    mais là en fait tu pourrais continuer cette même métaphore filée mais en la diversifiant (souvenirs vaporeux, qqchose qui glisse entre tes doigts, apparitions et disparitions …). bref, tu peux partir sur différentes idées en rapport avec « l’oubli », sans rester dans une simple énumération anaphorique …
    Ce serait dommage que tu stoppes ce texte …

  5. Tu t’en es très bien tiré sur la fin ! Au fur et à mesure du texte, je me demandais ce que tu allais en faire vu que tu ne souhaitais pas partir vers une chute bien que nous soyions préparés à une telle fin, je dois dire qu’elle est rondement bien mené. La seule critique, très subjective, que j’apporterais est que parfois tes phrases sont un peu lourdes. À trop de poésie des fois on te perd et ne comprend plus ce que tu veux dire. Trop de jolies tournures successives métaphoriques et on te perd un petit peu. De temps en temps aller à l’essentiel est bien aussi ;)

    Cela dit, ça aurait vraiment été domage d’arrêter en si bon chemin (du retour à la maison :D). Bravo !


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